Soufre sur prairies : un enjeu de rendement et de qualité
Cet élément est essentiel notamment pour le maintien des légumineuses et la qualité globale du fourrage en matière de protéines digestibles.
« Afin d’assurer une production de fourrage riche en protéines de qualité et répondant aux besoins des animaux, nous recommandons d’évaluer régulièrement la situation du soufre sur la base des analyses de terre et de fourrage, surtout dans les situations à risques : sols légers, superficiels, pauvres en matière organique, fertilisation azotée minérale élevée, légumineuses… », conseille vivement l’association francophone pour les prairies et les fourrages (l’AFPF) dans son article « Prairies et protéines : ne pas négliger le soufre ! ». Les récentes analyses parues dans la revue agronomique Fourrages (2023) révèlent en effet que l’apport de soufre, associé à l’azote, constitue une pièce maîtresse pour optimiser à la fois le rendement et la qualité protéique des fourrages. Cet article scientifique démontre qu’en dépit d’un apport suffisant en azote, l’insuffisance de soufre compromet la synthèse de protéines essentielles et, par ricochet, la performance des troupeaux. Selon l’auteur (Richard Lambert), dès l’instant où l’on constate « une dégradation subtile du vert des prairies », c’est souvent le signe d’un déséquilibre nutritionnel qui peut impliquer un manque de soufre.
Situations à risque
Le soufre est en effet indispensable pour la formation des acides aminés cystéine et méthionine. Ces composés interviennent dès les premières étapes de la synthèse protéique et participent à l’assemblage des structures enzymatiques et antioxydantes de la plante. Une insuffisance en soufre se traduit par une diminution de la synthèse des protéines, une accumulation d’azote non protéique dans la plante et, en fin de compte, un risque accru de déséquilibre nutritionnel chez l’animal après ingestion. Certaines situations sont particulièrement à risque. La présence de légumineuses renforce les besoins en soufre du fait de l’exportation dans les tissus de parts importantes d’acides aminés soufrés. En outre, les parcelles où le recours à l’azote minéral non soufré est important et représente une situation à risque comparativement à celles qui sont complémentées en soufre, ou qui reçoivent des effluents d’élevage. Par ailleurs, les sols sableux sont sujets au phénomène de lessivage, tandis que les sols faibles en matière organique sont pénalisés par un manque de mise à disposition du soufre aux plantes avec peu de minéralisation.
Bien-être animal
Les essais menés sur plusieurs sites à risque montrent que l’intégration d’un apport soufré en complément de l’azote permet, dans certaines situations, d’augmenter le rendement de matière sèche de 0,2 à 1,2 tonne par hectare, traduisant une amélioration moyenne de 6 % du rendement. Sur le plan qualitatif, la fertilisation soufrée a un impact direct sur la composition protéique du fourrage. Les analyses montrent que l’apport de soufre permet de diminuer le rapport N:S dans l’herbe, ce qui favorise une meilleure incorporation de l’azote dans les protéines. Du point de vue zootechnique, l’équilibre entre azote et soufre dans la ration alimentaire est crucial. Les études indiquent qu’un rapport N:S inférieur à 12 est recommandé pour les vaches laitières, afin de préserver l’activité des micro-organismes du rumen et de maximiser la synthèse des protéines. Un apport insuffisant en soufre se traduit non seulement par une dégradation de la qualité du fourrage, mais peut également affecter directement la santé animale, en compromettant la formation de molécules clés telles que l’insuline et le glutathion. L’expérience nous enseigne que le dosage optimal se situe souvent autour d’une unité de soufre pour cinq unités d’azote. L’enjeu n’est pas seulement agronomique, il est également économique et environnemental, dans la mesure où l’optimisation des apports permet de maximiser l’efficience des apports azotés et de la nutrition animale.
La présence de légumineuse dans la prairie est source d’exportation de soufre en quantités importantes qui ne sont pas toujours compensées par les apports organiques. (A. DUFUMIER)