Les engrais les moins émissifs de gaz à effet de serre
L’empreinte carbone de l’engrais azoté peut être très variable selon son mode de production et sa forme. Décryptage.
Le choix du type d’engrais azoté minéral influe directement l’empreinte carbone de l’exploitation agricole en productions végétales, notamment de grandes cultures. Parmi les solutions disponibles, l’ammonitrate 27% se distingue comme l’une des formes les moins émissives. L’urée et la solution azotée sont présentées comme les formes les plus émissives. Cependant, des technologies de protection de ces formes d’engrais par des produits chimiques qui inhibent leur dégradation dans l’environnement sont reconnus comme étant efficaces.
Inhibiteurs d’uréase
Des travaux d’Arvalis publiés notamment en 2017 viennent confirmer l’efficacité des inhibiteurs d’uréase parmi les plus utilisés à base de NBPT (N-(n-butyl) thiophosphorique ) pour améliorer le coefficient d’utilisation de l’azote par les cultures. Cette gestion plus fine de l’azote – par l’utilisation de nitrates ou par l’emploi d’inhibiteurs, favorise une meilleure utilisation par les plantes, réduisant ainsi les quantités perdues dans l’environnement qui pourraient, par ricochet, aggraver le bilan des émissions de gaz à effet de serre.
Emissions à l’usine
Du point de vue industriel, la fabrication d’engrais azotés implique des processus énergivores via le procédé Haber-Bosch qui vise à capter l’azote de l’air pour produire de l’ammoniac qui sera ensuite transformé en engrais. La quasi-totalité des sites industriels de production d’ammoniac ont ainsi recours aux énergies fossiles carbonées, et principalement le gaz dans leurs process. Certains sites de production d’urée en Chine fonctionnent également en ayant recours au charbon. L’amélioration du bilan carbone au maillon de la production repose en premier lieu sur la réduction des émissions directement à l’usine, afin de limiter celles-ci au CO² en évitant des émissions plus nocives comme le protoxyde d’azote. Les procédés intégrant des catalyseurs pour abaisser les émissions de N₂O pendant la synthèse permettent, par exemple, une réduction de l’empreinte carbone.
Taxe aux frontières
Pour améliorer encore le bilan en GES de ces engrais, une piste est d’envisager la décarbonation partielle ou totale. Des technologies permettent de capturer le CO² émis par l’usine et de le stocker sous terre ou de le réutiliser dans le cadre d’autres applications comme dans l’agriculture sous serre, la méthanation, l’industrie de la gazéification… Par ce procédé de capture du CO² on obtient alors de l’ammoniac dit bleu sans éliminer l’emploi d’énergie carbonée fossile. Cette stratégie est celle qui est préférée dans les pays producteurs d’hydrocarbures. Une autre piste de décarbonation est celle qui vise à produire l’ammonitrate à partir d’hydrogène d’origine renouvelable. On obtient alors de l’ammoniac dit vert. Ces technologies sont maîtrisées, mais le déploiement à grande échelle est encore freiné par le coût de production de cet hydrogène vert. L’urée contient quant à elle dans sa composition une part de carbone et sa fabrication ne peut donc pas être totalement décarbonée, à moins d’utiliser une source de carbone d’origine renouvelable. À noter que la décarbonation des engrais azotés représente potentiellement un enjeu majeur alors que l’Europe prévoit un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF). Concrètement, cela jouera sur le prix final payé par les agriculteurs européens sous forme de taxe redevable sur les engrais les plus émissifs.