Azote : le levier carbone des pertes aux champs
Essentiel à l’élaboration du rendement des cultures, l’azote contribue cependant aux émissions de gaz à effet de serre par volatilisation de protoxyde d’azote avec toutefois des leviers d’optimisation.
L’azote contribue directement au rendement des cultures et pour partie à produire de la biomasse et ainsi à capter le carbone de l’air grâce à la photosynthèse. Cependant, le bilan global de l’utilisation d’azote minéral des cultures en matière d’émissions de gaz à effet de serre (GES) est généralement dégradé. Une partie de ces émissions de GES liées à l’azote (de 30 à 40 %) est liée à la production elle-même de ces engrais (à partir d’énergies fossiles). L’autre partie (environ 60 à 70 %) est à imputer aux pertes aux champs, notamment par volatilisation dans l’air sous forme de protoxyde d’azote (N₂O). Le protoxyde d’azote est un gaz à effet de serre jugé près de 300 fois plus puissant que le gaz carbonique (CO²).
Coefficient apparent d’utilisation
L’azote qui se dissout dans le sol sous forme de nitrate, est un élément qui intègre rapidement dans le cycle des bactéries de nitrification et de dénitrification qui produisent le protoxyde d’azote (gazeux). L’azote solubilisé est aussi un élément très « mobile » et qui, de ce fait, se trouve très sensible au phénomène de lixiviation (lessivage). Compte tenu de ces pertes, on peut mesurer la fraction de l’azote total apporté par l’engrais et qui est mobilisé effectivement par la culture pour être exporté à la moisson. Cette fraction est nommée Coefficient apparent d’utilisation (CAU). On parle aussi parfois de NUE (en anglais pour Nitrogen Use Efficiency) lorsqu’on ajoute à ce calcul les fournitures d’azote du sol.
Une culture de blé à 7 tonnes hectare (7000 kg/ha) de rendement et 11,5 % de protéines exporte ainsi 129 kg d’azote (7 000 x 0.115 x 0.16 = 129) sachant que la part d’azote dans les protéines est de 16 %. En comparaison, les besoins totaux de la culture sont estimés pour ce même blé à 210 kg d’azote (3 kg d’azote élément efficace par quintal). Ainsi, le CAU du blé français est d’environ 61 % ((129/210) x 100). L’enjeu d’améliorer l’efficacité de l’utilisation de l’azote est donc réel avec une fuite de 81 unités non valorisées. Ces unités représentent à la fois des consommations de carbone liées à leur fabrication et des gaz à effet de serre liés à la volatilisation.
Différents leviers aux champs
Le fractionnement des doses d’azote est le premier des leviers agronomiques pour synchroniser les apports avec les besoins de la culture et ainsi améliorer le CAU d’une culture. Par exemple, sur blé, Arvalis estime que le premier apport en sortie d’hiver présente un CAU assez faible de 40-50 % sur céréales à pailles. L’Institut du végétal préconise ainsi, lorsque cela se justifie, de prioriser les fournitures par les reliquats du sol pour le raisonnement du premier apport d’azote au tallage. « En cas de reliquats supérieurs à 50-60 unités, une impasse est envisageable (hors sol superficiel) sur les cultures bien implantées et exubérantes », complète l’Institut. L’apport de début de montaison présente un CAU de 60-70 % et ne doit pas dépasser 100 unités au risque de dégrader fortement le CAU. Enfin, le troisième apport en fin de cycle est le mieux valorisé avec un CAU de 80-90 %, mais nécessite d’être piloté au plus juste et selon la capacité de la variété.
L’attention portée au profil de sol est une autre piste pour limiter les effets de la volatilisation et de la lixiviation. Un sol compacté et sensible à l’hydromorphie est sensible au travail de dégradation anaérobie de l’azote par les bactéries provocant des émissions de protoxyde d’azote. En outre, un profil de sol favorable aux enracinements profonds de la culture donne plus de chance aux racines de capter l’azote de l’eau avant le lessivage.
La forme d’engrais apportée est également très fortement impliquée dans l’efficacité de l’azote apporté, et donc dans le bilan carbone global. Les formes ammonitrates sont réputées moins sensibles aux pertes dans l’environnement. L’emploi d’une solution azotée ou d’urée présente un risque plus important de pertes. Cependant, ces pertes dépendent des conditions d’application et peuvent être réduites notamment par enfouissement ou adjonction de produits à effet inhibiteurs ou par protection du produit. Le levier variétal est une piste qui semble également prometteuse à plus long terme.
Les leviers pour limiter les pertes aux champs et améliorer le bilan carbone des grandes cultures existent et concernent notamment la fertilité physique du sol, la nature même de l’engrais et la synchronisation des apports avec les besoins. Ces leviers sont à mettre en lien avec la météorologie. À l’avenir, les professionnels attendent aussi des méthodologies normalisées et reconnues, capables d’évaluer ou de mesurer les bénéfices de l’amélioration de l’efficacité de l’azote sur le bilan carbone global.
Un profil cultural sans zone compactée est une assurance de mieux valoriser l’azote. (A. DUFUMIER)