Bien gérer les pailles et la faim d’azote

Certains agronomes, comme Carlos Crovetto ou Francis Bucaille, pointent également des effets négatifs des résidus de pailles et de menues pailles sur la culture suivante du fait de la présence de composés antigerminatifs (allélopathiques). (A. DUFUMIER)
Restituer ou exporter les pailles de blé ou d’orge ? La question influence directement la fertilité des sols et la réussite des cultures suivantes comme le colza.
Les pailles forment des résidus de culture riches en matières organiques et en minéraux, au premier rang desquels figure le potassium. Cependant, en tant que matière organique mature, la paille constitue une source de carbone assez récalcitrante, formée de tissus de cellulose vraie, d’hémicelluloses et de lignine par ordre d’importance en masse. En outre, la paille est accusée de présenter des composés dits allopathiques qui peuvent perturber la germination des plantes suivantes. Par ailleurs, le brûlage des pailles est désormais interdit pour tous les agriculteurs qui réclament les soutiens de la PAC. Dès lors, comment faire pour tirer parti du potentiel de fertilité liée à la paille sans compromettre la culture suivante ?
Compenser l’export
La première solution trouvée à ce problème, consiste à exporter la paille des champs, et à en assurer un retour ultérieur sous forme de fumiers. Cette solution millénaire dépend cependant de la présence d’un élevage à proximité. En l’absence de retour au sol par les fumiers, une compensation de l’exportation de potassium mérite d’être faite selon les résultats des analyses de sols et les besoins de la culture suivante en se référant aux grilles de référence du Comifer.
Le défi de la restitution
Dans les systèmes de grandes cultures, le choix est souvent fait de restituer les pailles aux champs. La technique n’est pas sans poser différents défis d’ordre techniques, notamment pour l’implantation ultérieure d’une culture comme celle de colza. Cependant, cette restitution au sol peut provoquer une faim d’azote, du fait que les bactéries capables de dégrader la paille ont besoin de cet élément pour prospérer et pour synthétiser les enzymes capables de dégrader ces tissus dont le rapport carbone sur azote (C/N) est bien plus élevé que celui des bactéries elles-mêmes. Dans la limite de la réglementation, des apports d’azote minéraux ou organiques peuvent être envisagés. Une vingtaine d’unités est généralement jugée suffisante pour apporter ce coup de pouce aux micro-organismes à cette étape clé. Dans ce cas, un broyage fin des pailles est fréquemment conseillé.
De nouvelles approches
Certains agronomes, comme Carlos Crovetto ou Francis Bucaille, pointent également des effets négatifs des résidus de pailles et des menues pailles sur la culture suivante du fait de la présence de composés antigerminatifs (allélopathiques). Selon eux, c’est le problème principal des cultures en présence de résidus de paille auquel s’ajoute celui des résidus de fongicides qui entravent les flores fongiques du sol dans leur capacité à fabriquer de l’humus stable à partir des résidus végétaux. Selon eux, le broyage des pailles n’est alors pas conseillé du fait qu’il est de nature à libérer plus facilement les composés allélopathiques. La mise en andain de la paille dans les traces de roues du pulvérisateur, ou alors le semis direct dans des chaumes de paille haute laissés debout (puis roulés éventuellement), font partie des solutions alternatives préconisées par ces agronomes pour gérer au mieux cette difficulté. Une autre solution trouvée est celle d’éviter les situations où la gestion des pailles peut poser des difficultés en trouvant par exemple d’autres cultures pour précéder le colza. Cependant, cette solution dépend grandement des débouchés et de la possibilité de trouver des cultures performantes adaptées à son propre terroir.